vendredi 26 avril 2013

Sur des mers plus ignorées

Un roman de Tim Powers, publié en grand format et en numérique chez Bragelonne.


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C'est en 1718 que Jack devint un pirate des Caraïbes... Il voguait vers le nouveau Monde quand son navire fut attaqué par des pirates. Le capitaine lui proposa de mourir tout de suite... ou de devenir l'un d'entre eux. Le choix fut vite fait ! Il dut rapidement apprendre à manier aussi bien la grand-voile que le sabre d'abordage. Mais c'est pour sauver une belle jeune fille que Jack allait devoir affronter les plus sinistres dangers : magie vaudou, zombies, puissances maléfiques et par-dessus tout le terrible Barbe-Noire, à la recherche de la fabuleuse fontaine de Jouvence...



J’aime les histoires de pirates, la faute à Stevenson ainsi qu’à quelques autres qui ont bercé mon enfance, et celle-ci ne dépare pas parmi tous ces excellents souvenirs de lecture. Des aventures en haute mer, du vaudou, de l’amitié et un brin de romance… En bref, il y a dans ce roman tout ce qu’il faut pour passer un bon moment.
Il mélange les genres avec légèreté et c’est très agréable à lire. La base est historique, certes, mais il s’agit avant tout de divertissement pur et, si c’est tout ce qu’on attend de ce bouquin, ça marche parfaitement car il est entraînant et bien écrit. Quelques petits cafouillages, vraiment de l’ordre du détail, pourront faire froncer les sourcils des plus tatillons, mais il n’y a là rien qu’on ne puisse pardonner. On oublie vite pour se plonger dans l’intrigue qui oscille entre le fantastique et un roman d‘aventures traditionnel. C’est une histoire pleine de rebondissements. On en voit certains venir, évidemment, mais le tout est cohérent, fluide et au final assez plaisant.
Le récit est la plupart du temps chronologique, comme c’est souvent le cas dans ce type de romans, mais il y a quelques retours en arrière ou histoires parallèles qui s’insèrent relativement bien dans la trame principale, ne donnant pas l’impression de couper le rythme et permettant au lecteur de ne rien manquer.
L’ouvrage est divisé en trois parties et chacune d’entre elles marque une évolution notable dans la vie du personnage principal. John Chandagnac, alias Jack Shandy, jeune comptable manquant d’assurance et n’aspirant qu’à rendre justice à son père, est enrôlé de force par des pirates. Ce personnage attachant, confronté à un monde « sauvage » va se retrouver en quelque sorte forcé de devenir lui-même. J’ai beaucoup aimé la dimension initiatique de cette histoire, d’autant plus que Chandagnac est quelqu’un de bien. S’il regrette parfois de n’être pas plus lâche, car il serait ainsi plus tranquille, il ne choisit pas non plus la facilité ou le manichéisme et j’ai apprécié son caractère autant que ses valeurs morales. Il est, avec Davies le capitaine pirate, le personnage le plus intéressant de cet ouvrage. Les autres versent plus dans la caricature, même si le tout est relativement crédible et assez typique du roman d’aventure populaire qui joue avec ce genre de choses. Les méchants sont très méchants, la fille est assez charmante, mais devient parfois une vraie plante verte… Tant que l’histoire ne manque pas de panache, ce qui est le cas dans les deux premières parties, ça passe plutôt bien. Seul Friend (quoique Barbe Noire aussi un peu sur la fin) peut vraiment donner l’impression que l’auteur abuse des clichés.
La troisième partie, par opposition aux deux autres, est quand même nettement plus poussive et c’est ma petite déception. Elle a un goût de « trop ». Trop longue, trop de péripéties, trop tirée par les cheveux… La fin est bien cependant et rattrape un peu cette mauvaise impression, ramenant avec elle les bons souvenirs de deux excellentes premières parties.
C’est au final une belle histoire d’amitié, de piraterie et de magie. Le fond est travaillé, surtout en ce qui concerne la façon dont la magie fonctionne. J’ai aimé cette théorie et la manière dont elle est mise en œuvre dans les actes des personnages ainsi que les rebondissements que cela occasionne. Je garderai un bon souvenir de cette lecture.

jeudi 18 avril 2013

Souscription pour l'intégrale du Cycle de Lanmeur t3

C'est jusqu'au 25 mai et c'est par-là.


Je fais rarement de la pub pour les ouvrages à paraître, mais celui-ci le mérite amplement.
Je n’ai lu que très tardivement le Cycle de Lanmeur qui est pourtant presque aussi vieux que moi, mais c’est une lecture qui, j’en ai déjà conscience, restera à vie gravée dans mon esprit. Ça fait sans doute cliché, mais c’est indéniable.
Mon esprit erre encore dans les ruines de Gogleth, sur les chemins poussiéreux de Ti-Harnog, sur les rives du Finllion, dans la jungle oppressante de Borgoet… Et en y repensant, une boule se forme dans ma gorge.
Si je ne devais me procurer qu’un seul livre cette année, ce serait celui-ci.
J'aimerais vraiment vous encourager à découvrir cet excellent cycle de SF.


Deux nouvelles de Graham Joyce

Si Graham Joyce compte parmi mes auteurs préférés, c’est en grande partie grâce à sa capacité à manier le fantastique à la perfection. Ce doute qu’il sème dans ses histoires, avec subtilité et même élégance, fait qu’on peut aisément choisir de les lire comme de la littérature blanche. Mais, qu’on préfère l’explication rationnelle ou surnaturelle, le doute subsiste et c’est la qualité majeure d’un grand texte fantastique.
Cette ambiance trouble ne serait pourtant pas grand-chose, sans l’humanisme qui habite les écrits de cet auteur, cette façon qu’il a de nous faire réfléchir sur nous-mêmes et le monde, à travers le regard de personnages aux failles nombreuses, mais qui semblent très réels.
La première des nouvelles dont je vais vous parler est du fantastique pur jus, mais la seconde s’apparente plus à de la science-fiction « légère » et, curieusement, c’est elle qui a gagné ma préférence. Peut-être bien car l’ambiance est résolument typique de celles que Joyce crée dans ses textes fantastiques. Quoi qu’il en soit, ce sont deux bons textes, (le second est même excellent,) et le style de Joyce vaut à lui seul la lecture.


La plage du Xenos.


En version numérique chez Bragelonne, parution papier dans la revue Fantasy 2006, également chez Bragelonne.


Dans La plage du Xenos, le narrateur, qui est parti en Grèce pour noyer son chagrin d‘amour, arrive à une certaine saturation. Il a besoin de s’isoler et un vieux guide touristique ramassé par hasard va l’y aider. Quant à savoir si cela est vraiment pour son bien, c’est une autre paire de manches…
La plage du Xenos est un récit très introspectif, comme tout texte fantastique qui se respecte, psychologique, certes, mais plus axé sur l’ambiance que sur l’histoire. Les états d’âme du personnage n’envahissent pas le récit, mais on pourrait néanmoins penser qu’il se passe bien peu de choses, au final, dans cette nouvelle. Joyce a su tisser un fantastique diffus, entremêlé de mythologie et de religion. C’est agréable à lire et vraiment bien écrit, mais je n’en garderai pas un souvenir impérissable. Le tout manquait de profondeur, ou peut-être était-elle trop subtile, me laissant passer à côté.
Le fantastique est en général un genre qui se prête bien au format de la nouvelle (Joyce respecte d’ailleurs ce dernier si scrupuleusement que c’en est admirable,) car la dualité entre réel et surnaturel est difficile à maintenir dans un texte long. C’est ce qui fait que parfois certains auteurs qui écrivent de merveilleuses nouvelles fantastiques (surtout des nouvelles à chute d’ailleurs) produisent par contre des romans assez médiocres. Joyce, lui, montre toute l’étendue de son talent dans les récits longs, ce qui est aussi rare que précieux. Si vous avez lu cette nouvelle et qu’elle ne vous a pas convaincus, n’hésitez pas à lui redonner sa chance avec un roman.



Éclipse partielle.


En version numérique chez Bragelonne. Je n’ai pas connaissance d’une quelconque version papier.


Dans Éclipse partielle, le narrateur nous conte comment, en perdant les extra-terrestres, qui évoluaient parmi eux sans qu’ils en aient conscience, les humains ont perdu quelque chose d’essentiel à leur bien-être, mais aussi à leur évolution. En effet, c’est de cette capacité que dépendait toute leur inventivité.
C’est un très beau texte. Il m’a sans doute particulièrement touchée parce qu’il rejoint une réflexion qui hante l’un de mes travaux du moment, mais il peut créer un écho dans l’âme de chacun d’entre nous car il parle d’une faculté que nous avons tous. Même si nous l’ignorons, si nous la dénigrons, que serions-nous sans notre créativité ?
On compare souvent l’imagination, surtout si elle est débordante, à de la folie. Le fait même de penser, quand on considère que les autres animaux en sont incapables, est apparu à certains comme une déviance, une anomalie. Mais d’où provient-elle vraiment ? Qu’est-ce qui déclenche notre créativité, comment naissent les idées ? Ce texte explore des pistes et laisse plusieurs voies ouvertes pour nous, lecteurs.
C’est intéressant et c’est même émouvant parfois. Une scène m’a particulièrement affectée. Je ne vous la décrirai pas, afin de ne pas gâcher votre lecture, mais j’ai trouvé l’attitude de ce père vis-à-vis de sa fille réellement touchante.
Malgré cette acceptation de la transcendance, la trame de ce récit reste très proche du réel. C’est Joyce après tout… Mais, curieusement, je me serais attendue à quelque chose de plus en demi-teinte venant de lui. Éclipse partielle est néanmoins une excellente nouvelle qui me donne vraiment envie d’enchaîner avec un autre texte de Joyce.


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mercredi 17 avril 2013

Cinq pas sous terre, Ep1 : En travers de la gorge

Cinq pas sous terre est un feuilleton numérique en cinq épisodes (un par mois depuis avril,) écrit par Vanessa Terral et publié par les éditions du Petit Caveau.




Résumé :


Début de l’été, près de Toulouse.


Jabirah se réveille dans une cave, malade et incapable de faire un geste. Une femme ne tarde pas à la rejoindre. Elle dit s’appeler Muriel et être une engeôleuse d’esprits, une sorte de médium dont le but est de protéger l’harmonie entre les ombres et les humains. Cette illuminée propose à sa prisonnière un marché qui ressemble plutôt à un chantage : la servir, en échange de quoi elle lui rendra son suaire.


Paraît-il que Jabirah est une mâchonneuse de linceul, un vampire nouveau-né dont le corps va pourrir si elle n’ingère pas régulièrement des bouts de son drap mortuaire, et cela jusqu’au dernier fil.
Quant à ce que Muriel demande en retour… Bah, il s’agit de trois fois rien !
Simplement tuer un engeôleur fou qui veut réveiller le passé de la Ville rose…



Je ne suis pas particulièrement patiente quand il s’agit de lecture. Si je commence un texte, je veux pouvoir le lire en entier d’une traite s’il m’en prend l’envie. Je ne suis donc pas une bonne cliente pour les feuilletons numériques. Toutefois, comme j’aime particulièrement les écrits de cet auteur et que le résumé me faisait envie, je n’ai pas pu résister cette fois-ci et au final je suis assez contente, même s’il va de soi que je voudrais déjà avoir la suite.
En travers de la gorge est un premier épisode très addictif. Il se contente, certes, de poser les bases de l’environnement dans lequel l’auteur nous entraîne, mais le fait de façon très agréable. Je n’ai pas eu l’impression d’être en-dehors de l’histoire, de piétiner ou de recevoir trop d’informations d’un coup. Il reste évidemment beaucoup à découvrir sur les personnages et la tâche qu’ils s’apprêtent à accomplir, mais c’est un premier chapitre assez conséquent et il nous dévoile une mythologie des plus intéressantes.
Comme à son habitude, Vanessa Terral puise avec brio dans des mythes et légendes. Elle remplit à sa manière les blancs d’une histoire qu’elle transporte vers notre monde moderne. Elle adapte plus qu’elle ne revisite et en l’occurrence ça donne quelque chose de très cohérent, de naturel. Elle nous emmène cette fois à la rencontre d’une espèce de vampires peu courante dans la littérature et assez méconnue : les mâchonneurs de linceul.
J’ai beaucoup apprécié ce choix, la nature de ces vampires et la façon dont elle nous est expliquée.
Les personnages, bien qu’on les connaisse peu pour le moment, ont une forte personnalité qui n’est pas pour me déplaire. Dès ce premier chapitre, Jabirah se révèle être un personnage attachant. On ne peut qu’avoir hâte de connaître la suite de son histoire. Si Muriel est pour l’instant en retrait, simplement vue par le filtre du regard de Jabirah, elle semble néanmoins plus nuancée que la jeune femme le laisse entendre. En tout cas, ce duo est vraiment prometteur.
Vivement la suite !

vendredi 12 avril 2013

Vampire Blues, Ladainian Abernaker Ep1

Une nouvelle de Lydie Blaizot, publiée au format numérique aux éditions du Petit Caveau.




Ladainian Abernaker est un très vieux vampire, aigri et inadapté à la vie moderne. Sa seule passion : le blues. Son seul ami : Ezequiel, un corbeau. Tout naturellement, il vit à Chicago, une ville qu’il a vu naître, grandir et prospérer. Réfugié dans son bar à musique, le Willie’s, il traverse les années avec cette seule obsession : faire perdurer le blues de Chicago, cette sonorité si particulière qui, à elle seule, apaise son esprit torturé. Le monde extérieur n’est là que pour lui permettre de satisfaire cette idée fixe, il n’a aucun autre intérêt à ses yeux. Ainsi, il exerce la douce activité de tueur à gages afin de gagner l’argent nécessaire à sa marotte.


Une saga dédiée à un vampire atypique, une ambiance inspirée des films noirs, des épisodes indépendants… N’hésitez pas à découvrir l’univers de Ladainian !



Avec Vampire Blues, Lydie Blaizot entame cette fois un feuilleton numérique composé de nouvelles qui, si elles sont toutes liées entre elles par leur personnage principal, peuvent néanmoins se lire indépendamment, chacune contant une histoire complète. J’avoue avoir une préférence pour un tel format qui ne frustre pas le lecteur, tout en lui donnant envie de continuer à suivre les aventures du protagoniste.
Ladainian Abernaker est un vieux vampire irascible et misanthrope. Il peut sembler détestable par bien des aspects, mais n’en reste pas moins fascinant. Seule sa passion pour le blues le retient parmi les vivants et il a bien l’intention de la faire vivre le plus longtemps possible. Son club, le Willie’s, est en quelque sorte son refuge et il en prend un soin jaloux, s’assurant les services des meilleurs musiciens qu’il puisse trouver.
Avec ce vampire froid et cruel, qui ne craint pas vraiment le soleil mais se trouve affaibli par ses rayons et qui a besoin de sa terre natale pour se ressourcer, Lydie Blaizot nous ramène vers un type de vampires qui parle beaucoup plus à la lectrice de classiques du genre que je suis. C’est particulièrement appréciable car atypique face à la mode actuelle du vampire séduisant, bien loin de ces récits à l’ancienne.
Dans ce premier épisode, Ladainian est à la recherche d’un saxophoniste. Selon lui, les vrais joueurs de blues se font rares de nos jours… Jusqu’où irait-il pour en garder un qu’il juge exceptionnel ?
L’obsession de Ladainian pour la musique est au cœur de cette nouvelle. L’ambiance sombre, un rien « polaresque », qui s’en dégage, avec en plus ce vampire qui ramène dans nos temps modernes la première moitié du vingtième siècle en se jouant des clichés, m’a beaucoup plu et séduira sans nul doute les amateurs de romans noirs autant que ceux d’histoires de vampires.
Ce premier tome est une excellente mise en bouche pour une série des plus prometteuses. J’ai hâte d’en découvrir les autres épisodes.


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